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PC#55 Fin de la gratuité de la justice ? L’accès à certaines juridictions consulaires devient payant pour certains justiciables et pour les litiges de plus de 50k€
Le Point Cardinal PC#55 Fin de la gratuité de la justice ? L’accès à certaines juridictions consulaires devient payant pour certains justiciables et pour les litiges de plus de 50k€

PC#55 Fin de la gratuité de la justice ? L’accès à certaines juridictions consulaires devient payant pour certains justiciables et pour les litiges de plus de 50k€

\ Janvier 2025


A partir du 1er janvier 2025, vous aurez peut-être à payer à l’Etat jusqu’à 100.000€ pour agir en justice.

 En effet, dorénavant, une personne morale ou physique assignant en justice un tiers devra s’acquitter d’une « contribution pour la justice économique », sous peine d’irrecevabilité de sa demande, si les conditions suivantes sont remplies :

  • le tiers est assigné devant le tribunal, anciennement « de commerce » et dorénavant appelé « Tribunal des activités économiques** » situé dans une des 12 villes suivantes : Paris, Marseille, Lyon, Nanterre, Limoges, Avignon, Auxerre, Saint-Brieuc, Le Havre, Nancy, Versailles et Le Mans : attention donc aux clauses attributives de compétence de vos contrats
  • la valeur totale des prétentions contenues dans l’assignation introduite devant l’un des douze tribunaux précités est supérieure à 50.000 € (sans prise en compte des sommes demandées au titre des frais de justice),
  • la personne morale demanderesse en justice (i) emploie plus de 250 salariés, (ii) a réalisé au titre des 3 dernières années, soit un chiffre d’affaires annuel moyen supérieur à 50 millions d’euros et un bénéfice moyen supérieur à 3 millions d’euros, soit un chiffre d’affaires annuel moyen supérieur à 1500 millions d’euros et un bénéfice quel qu’il soit,
  • la personne physique demanderesse en justice a un revenu fiscal annuel de référence supérieur à 250.000 euros,
  • lorsque la demande initiale est formée par plusieurs demandeurs, la contribution pour la justice économique est due par chacun d'eux, et la valeur totale des prétentions est appréciée séparément pour chacun.

 Cette innovation* vise à inciter les acteurs économiques à privilégier des modes amiables de résolution des différends et à contribuer au financement du service public de la justice économique.

 Le montant de cette contribution pour la justice économique pourra aller jusqu’à 50.000 euros ou jusqu’à 100.000 euros pour les personnes morales, et 50.000 euros pour les personnes physiques. Il sera calculé en fonction du chiffre d’affaires et des bénéfices des personnes morales, du revenu fiscal de référence des personnes physiques, et du montant des demandes pécuniaires figurant dans l’assignation : voir les deux tableaux de l’article 3 du Décret du 30 décembre 2024 ci-joint.

 Seront cependant exemptées du paiement de la contribution pour la justice économique :

  • les demandes d’ouverture de procédures amiables ou collectives,
  • les demandes visant à l’homologation d’un accord issu de la médiation ou de l’arbitrage.

 Désormais, tout demandeur à l’instance agissant devant l’un des douze tribunaux susvisés doit joindre à son acte introductif d’instance des documents justifiant de sa situation économique, afin de permettre au greffe du tribunal saisi d’apprécier si ledit demandeur est assujetti au versement de cette contribution, et de calculer celle-ci (avec contestation possible).

 Dès lors qu’un demandeur est soumis à son paiement, le défaut de paiement de cette contribution entrainera l’irrecevabilité de sa demande en justice (elle pourra être prononcée, même d’office, par la formation de jugement ou le juge chargé d’instruire l’affaire et ce, après avoir sollicité les observations du demandeur à l’instance). Aucun délai fixe de paiement n’est fixé : il semble donc qu’elle soit payable jusqu’à la date des plaidoiries.

 L’entrée en vigueur de ce décret marque ainsi le début d’une expérimentation qui va durer quatre années, et donnera lieu à un rapport d’évaluation.

 Notez que cette contribution sera remboursée en cas :

(i)              de décision constatant l’extinction de l’instance à la suite d’un désistement, ou

(ii)             de transaction conclue à la suite à la suite du recours à un mode amiable de résolution des différends mettant fin au litige.

 Enfin, cette contribution constitue un des dépens, auquel la partie perdante est généralement condamnée (sauf décision motivée en sens contraire du juge, articles 695 et 696 du CPC) : s’il gagne son procès, le demandeur devrait donc en être remboursé par le défendeur.

 Notez que cette expérimentation a été jugée conforme à la Constitution par une décision n° 2023-855 DC .

 Nous restons à votre disposition pour toute question.

 L’équipe de contentieux des affaires

 *due au Décret n° 2024-1225 du 30 décembre 2024 relatif à l'expérimentation de la contribution pour la justice économique, ci-joint, pris en application de l’article 27 l'article 27 de la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023  

**ces douze tribunaux deviennent compétents, à la place du Tribunal judiciaire, pour le traitement de toutes les procédures amiables et collectives relatives à tous professionnels, indépendamment de leur statut et activité (aux exploitations agricoles, aux sociétés civiles, aux associations, aux professions libérales -à l’exception des professions réglementées du droit).